Un texte de France LESTELLE, écrivaine
Pour le spectateur, cette toile est source revigorante.
Soudain les vers de Baudelaire* reviennent en mémoire.
Comme de longs échos qui de loin se confondent Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Alors la musique parvient, celle du Messie de Haendel, Alleluia ! Alleluia ! Alleluia !
Alleluia.
France LESTELLE
* Correspondances - CHARLES BAUDELAIRE
Le Jet de la rose, convoque instantanément l'imagination du spectateur et l'invite à se promener dans un paysage familier, qu'il n'a pourtant jamais vu.
Cet étang existe-t-il vraiment ?
Oui, dans l'univers de Dominique Phénix. C'est là que l'artiste puise sa force créatrice. Elle n'a pas besoin d'installer son chevalet au bord d'un étang pour entrer dans la rêverie et dialoguer avec les éléments.
Les deux parties du diptyque se répondent, l'une et l'autre en osmose avec l'étang.
A gauche, un tronc noir s'étire. Il symbolise la solidité, la permanence. La verticalité trouve son écho dans l'herbe. L'écorce, elle, prend des libertés et absorbe le vert, le blanc et le bleu de l'étang.
Machinalement, l’œil du spectateur glisse derrière l'arbre, puis se laisse guider sur la droite, dans l'autre partie du diptyque, là où les branches s'étirent.
Et ce monde figé se met à bouger, à vivre. Le rêve s'intensifie :
Imaginons la douceur de l'air !
Sentons le vent léger qui agite les branches !
Écoutons les oiseaux rouges s'en donner à cœur joie !
Célèbrent-ils la beauté de la rose qui flotte sur l'eau et baigne dans la lumière ?
Quelle main a lancé, là, cette promesse d'amour que deux fines branches protègent avec délicatesse ?
Et, soudain, le regard se sent captivé par la lumière éclatante. Il s'en nourrit un long moment avant de reprendre son vagabondage d'un côté et de l'autre du diptyque.
Le spectateur sort de cette rêverie, apaisé par cette harmonie et revivifié par Le Jet de la rose.
France LESTELLE
* Gaston Bachelard
L'abstraction lyrique joue sur l'émotion, celle du peintre et celle du spectateur. Les deux ne se rejoignent pas forcément car le moi qui peint et le moi qui regarde projettent chacun leur propre univers sur la toile : univers où se mêlent le conscient et l'inconscient.
Ce voyage intérieur est intime et mystérieux.
Il est des poèmes comme des tableaux que les explications dérangent. Comment être sûr des intentions de l'artiste, comment comprendre son geste, comment ne pas le trahir ? Peut-être en se contentant de regarder et de nommer le visible sans chercher à l'interpréter afin que jaillissent les émotions.
La toile de Dominique Phénix que j'ai intitulée « La puissance du rêve » est baignée de bleu, comme si l'eau et le ciel, complices inséparables, voulaient envelopper et masquer le décor.
Commençons donc par le choix de la palette : les camaïeux de bleus dominent, puis s'ajoutent du noir, du blanc et quelques touches de vert.
Le bleu, raconte Michel Pastoureau, médiéviste et historien d'art, est devenu au fil des ans notre couleur préférée alors qu'avant le XIIème siècle il symbolisait le deuil, la peur, le malheur.
Ici, il s'agit davantage de mystère que de noirceur et de peur, car la toile est jalonnée de points de repère : la verticalité, la lumière, des objets flous et surtout une composition très construite qui guide le regard vers le fond du tableau.
Au premier plan, à gauche, les traits de pinceau et le jeu de couleurs créent un mouvement, peut-être s'agit-il d'un étang, d'un marais. Reviennent en mémoire des lieux connus, des souvenirs de paysages ou de promenades…
L’œil est ensuite attiré par la lumière, il hésite à nommer ce qu'il voit : des arbres, des ifs, recouverts de glace ou bien des jets d'eau pétrifiés.
Au sol, sont posés, ça et là des reflets comme une invitation à s'aventurer plus loin. Alors avançons !
Mais comment ? Le sol paraît incertain, spongieux comme une tourbière. Le pied toutefois pourrait se poser sur les surfaces noires qui ressemblent à de la terre bien solide, une sorte de gué qui file vers l'arrière plan.
Arrêtons-nous avant du côté droit, vers les buissons. Des volutes de fumée ou de brouillard empêchent d'identifier ce qui se cache dans cet espace. Quelques traits noirs et verticaux font penser à des silhouettes.
Les touches de lumière, nous entraînent, tels les cailloux du Petit Poucet, vers le fond du tableau, vers ce qui pourrait ressembler à l'esquisse d'une fontaine.
Dominique Phénix a créé le mystère en suggérant l'air, la terre et l'eau et en les enveloppant de bleu. Nous sommes en pleine nature, dans un décor étrange, où tout appelle au rêve, à un voyage intérieur teinté de bleu, apaisant…
France Lestelle
* Michel Pastoureau : Bleu, histoire d'une couleur, Le Seuil, 2000
Un texte de France LESTELLE, écrivaine
Un texte de France LESTELLE, écrivaine
Peu d'artistes sont capables de transmettre la joie ou le bonheur, plus rares encore sont ceux qui y parviennent, car une émotion est fugace, et un sentiment, s'il dure davantage, n'est pas plus aisé à traduire que ce soit en mots, en musique ou en peinture.
Dominique Phénix a relevé ce défi dans ce tableau intitulé « Happy day ».
Comment y est-elle parvenue ?
La lumière d'abord irradie tout ce qu'elle touche, inonde l'espace. Elle a pour complice le mouvement qui part d'un cercle ébauché au centre du tableau.
Et la danse commence. Le spectateur tourne et se laisse emporter dans une valse lente et légère qui se renouvelle sans cesse. L’œil ne cesse de s'engouffrer dans ce tourbillon de lumière pour s'y ressourcer.
On songe à Debussy et sa « Valse romantique », à Mozart et sa «Sonate pour deux pianos» (K 448)... chacun, en contemplant cette toile, choisira l'air qui lui trottera dans la tête.
Nul n'est besoin d'accélérer le rythme. Ce sont de légers traits noirs qui donnent le tempo. Ils nous invitent à goûter l'instant, tranquillement, à nous laisser guider par les couleurs : ici un arc jaune, là une touche de bleu, un peu plus loin un vert tendre et quelques traits rouges qui vont se perdre dans une flaque chaude.
Le fond où se mêlent le violet, le marron et le prune donne du relief à l'ensemble comme pour nous signifier que, oui, ce jour heureux est définitivement inscrit dans notre temps car cette harmonie des couleurs et du mouvement fait écho en nous.
Nous reviennent en mémoire un éclat de rire, une journée heureuse, une fête réussie et chacun a envie de se laisser porter par l'idée que la vie, vraiment, peut être belle et lumineuse.
Merci à Dominique Phénix d'avoir partagé cet « Happy day » avec nous.
Eh bien, dansons maintenant !